bail commercial – liquidation judiciaire du locataire – défense du bailleur
PROTECTION DU BAILLEUR EN CAS DE DEPOT DE BILAN DU LOCATAIRE
LA LOI DE 1985 SUR LE REDRESSEMENT ET LA LIQUIDATION JUDICIAIRE EN MATIERE COMMERCIALE pose un principe qui est l’arrêt des poursuites individuelles des créanciers à l’encontre de l’entreprise faisant l’objet d’un jugement de redressement ou liquidation judiciaire.
Les actions échappant à ce principe d’arrêt des poursuites individuelles sont très rares.
La Cour de Cassation, dans un arrêt du 11.10.2016 (Cass Com 11.10.2016 N°15-16099 société B3 / société BTSG) rappelle pourtant une de ces exceptions.
Dans le cas d’espèce qui lui était soumis, une entreprise était locataire d’une autre société, et ce par un bail commercial.
Le bailleur, qui s’était aperçu que le fonds de commerce n’était pas exploité (et qui est un des motifs de résiliation du bail commercial), mais également que le locataire ne justifiait pas d’être titulaire d’une assurance contre les risques locatifs, s’était dépêché de faire délivrer à son locataire un commandement par huissier visant la clause résolutoire.
En effet, le bailleur avait là deux possibilités d’invoquer la clause résolutoire prévue à son bail commercial pour non respect dudit bail.
Le Juge des Référés dans une ordonnance en date du 02.02.2014 avait, à juste titre, constaté l’acquisition de la clause résolutoire, et avait accordé un délai de cinq mois pour la locataire de justifier de l’exploitation des locaux loués.
L’entreprise locataire fut finalement mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce en date du 31.07.2014.
Le juge commissaire en charge des opérations de surveillance de la liquidation judiciaire, avait autorisé la vente du fonds de commerce afin de permettre au mandataire judiciaire de réaliser des actifs.
Un recours avait été formé contre cette ordonnance du juge commissaire, et la Cour d’Appel de PARIS avait estimé devoir confirmer cette ordonnance (Cour d’Appel de PARIS pôle 5-9 du 05.02.2015 N°14/21865).
En effet, la Cour d’appel, sur recours de cette ordonnance du juge commissaire, avait estimé que la clause résolutoire n’était pas acquise à la date d’ouverture de la procédure collective dans la mesure où l’ordonnance du 07.02.2014 n’était pas définitive, puisque frappée d’appel par le bailleur, et qu’à cette date la procédure devant la Cour d’Appel était encore en cours.
Cependant, la Cour de Cassation, dans son arrêt du 11.10.2016, vient réformer cet arrêt de la Cour d’Appel et donc la position du juge commissaire du tribunal de commerce, ceci au visa de l’article L.622-21, 1 du code de commerce, mais également de l’article 489 du code de procédure civile.
La Cour de Cassation exprime sa position très clairement en indiquant : « qu’en statuant ainsi, alors que l’ordonnance de référé est exécutoire par provision et que l’action qui ne tendait pas à la résolution du contrat pour non paiement d’une somme d’argent, mais pour inexécution d’une obligation de faire, n’avait pas été interrompue par le jugement d’ouverture de la procédure collective, de sorte que la clause résolutoire était acquise avant la décision autorisant la cession, la Cour d’Appel a violé les textes susvisés ».
De l’analyse de cette jurisprudence, notamment, il convient rappeler que l’arrêt des poursuites individuelles en cas de redressement ou liquidation judiciaire n’est pas un principe absolu, mais souffre de certaines exceptions.
Si l’article L.622-21,1 du code de commerce pose cette règle, cela n’interdit aucunement que les actions tendant « à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent ».
Cette jurisprudence est importante à connaître pour les bailleurs et leur avocat, dans la mesure où, souvent, à partir du moment où il y a un dépôt de bilan, la règle qui est opposée, notamment par les mandataires judiciaires, est que les bailleurs doivent souffrir et supporter l’arrêt des poursuites, et donc laisser dans les lieux leurs locataires défaillants.
Or, la jurisprudence ci-dessus rappelle que les bailleurs ont certains moyens de défense à ces demandes formulées parfois par les mandataires judiciaires qui « oublient » parfois ces exceptions, et par voie de conséquence, le respect des droits des bailleurs.