Avocat Droit Pénal – le « Fichier S »

Le Fichier S

 

Utilisé pour « procéder à la surveillance de ceux sur lesquels ne repose aucune incrimination pénale, mais qui peuvent, par leur activité, représenter à un moment ou à un autre un risque de trouble à l’ordre public ou une atteinte à la sûreté de l’État », le fichier S est principalement géré par la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI). Il est couvert par le secret défense.

La Loi est d’ailleurs assez floue, puisque peuvent faire l’objet d’une fiche S toutes les personnes « faisant l’objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat, dès lors que des informations ou des indices réels ont été recueillis à leur égard ».

 

En réalité, la fiche S (pour « sûreté de l’Etat ») n’est qu’une seule catégorie du Fichier des Personnes recherchées (FPR).

Elle contient l’état civil, le signalement, la photographie, les motifs de recherche, les actions à entreprendre par les services de renseignement…(décret de 2010).

Les fiches sont classées en différents types matérialisés par des chiffres allant de « S1 » à « S16 ». Ce niveau de chiffres ne correspond pas à la « dangerosité » d’une personne, mais plutôt aux actions à entreprendre par les autorités qui assurent le suivi. Par exemple, S14 correspond aux combattants djihadistes qui reviennent de Syrie ou d’Irak.  Mohamed Merah, auteur des attentats sur la commune de Toulouse en 2012, était quant à lui classé S5.

Les fiches du FPR (et notamment les fiches S) sont temporaires. Si une personne fichée S ne commet aucune infraction et n’a aucune activité suspicieuse, sa fiche sera effacée au bout d’un an. C’était le cas pour Yassin Salhi, qui avait été fiché S de 2006 à 2008, avant de disparaître du fichier.

 

Peuvent être visés aussi bien les individus condamnés que ceux suspectés de présenter un risque de trouble à l’ordre public ou une atteinte à la sûreté de l’Etat.

Si le Fichier S est communément relayé dans la sphère publique comme étant l’outil de signalisation des individus appartenant à la mouvance terroriste, il peut aussi regrouper d’autres types de personnes : des activistes d’ultragauche ou d’ultradroite par exemple.

 

Le fait d’être fiché n’entraîne aucune obligation de suivi ou de surveillance mais doit alerter en cas de contrôle pour éventuellement faire remonter l’information notamment sur la situation géographie de la personne.

La fiche S joue ainsi plutôt un rôle d’alerte, par exemple lors d’un contrôle d’identité ou à l’aéroport. Elle signale aux forces de l’ordre que certains soupçons pèsent sur l’individu fiché, ce qui leur permet d’être plus vigilants quant aux activités entreprises par celui-ci.

A ce jour de la réglementation applicable, on ne peut pas arrêter, expulser ou placer en détention quelqu’un au motif qu’il est fiché S.

 

En 2016, le procureur de la République de Paris, François Molins, a déclaré qu’ « Il ne peut y avoir de détention préventive en dehors d’une procédure pénale. C’est le socle de l’État de Droit. On ne peut pas détenir quelqu’un avant qu’il ait commis une infraction »

De même Marc Trévidic, ancien juge antiterroriste, trouve ce sujet « aberrant » : « Ficher S ça ne veut rien dire, on ne peut pas incarcérer des individus sans preuves, juste avec un nom sur une liste. Qui va décider du degré de radicalisation ? Je ne veux pas vivre dans un pays où on en mettra en prison quelqu’un parce que les services de renseignement auront mis son nom sur une liste ».

Le débat vient encore d’être relancé à la suite de l’attaque au couteau qui a eu lieu à Paris le 12 mai 2018. L’auteur de cet attentat revendiqué par l’Etat Islamique était fiché S depuis 2016. La surveillance a-t-elle fait défaut ? Cela révèle t-il un manque de moyens pour les enquêteurs de la DGSI ?

Certains politiques se sont emparés du sujet. Ainsi de Marine Le Pen et Laurent Wauquiez. La première critique l’inutilité d’un système qui ne permet pas de mettre hors d’état de nuire les individus fichés. Le second propose leur internement préventif et l’expulsion systématique des fichés S qui n’ont pas la nationalité française.

Ainsi, deux camps s’affrontent : d’un côté les tenants d’une action préventive et ferme à l’égard des suspects d’activités dangereuses. De l’autre ceux qui estiment que l’Etat de Droit ne doit pas céder face à la menace terroriste.

 

En 2016 on estime qu’il y avait environ 20 000 personnes étaient fichées S, dont environ 12 000 pour un lien avec l’islamisme radical.

Ces personnes ne se trouvent pas nécessairement en France et ne sont pas obligatoirement françaises.

 

article d’information juridique à jour au 14 mai 2018

Chaque cas est particulier est nécessite l’avis éclairé et documenté d’un avocat.

Avocat en droit pénal DRAGUIGNAN