Petite étude de la réforme du Droit des contrats
La réforme du droit des contrats, est issue de l’ordonnance du 10 février 2016 en matière de contrats et du régime général de la preuve des obligations.
Elle est entrée en vigueur le 1er octobre 2016 et s’applique aux contrats conclus postérieurement à ce 1er octobre 2016.
Elle n’a pas d’effet rétroactif puisque la loi antérieure demeure pour les contrats conclus avant cette date ou pour les contrats qui sont en cours d’exécution à cette date.
En cas de procédure en cours, le dossier sera jugé en application de la loi ancienne du premier degré de juridiction jusqu’au recours en cassation.
En ce qui concerne la théorie, la réforme du code civil supprime de l’article 1101 et la notion de convention et consacre l’unique notion de contrat pour définir un accord de volontés.
Elle modifie aussi les clauses de validité d’une convention, mais leurs fonctions ont été préservées à travers la modification d’autres articles du code civil.
Pour ce qui est de la pratique, le droit des contrats a été profondément réformé afin d’y intégrer l’évolution de la jurisprudence, mais également des dispositions particulières souhaitées en matière d’amélioration des relations contractuelles dans un monde de plus en plus régi par la norme.
Cette réforme laisse transparaitre deux orientations quant à l’évolution du droit des contrats francais dans l’esprit du législateur.
La première est la simplification des relations contractuelles et le règlement amiable des litiges.
Il s’agit de s’imprégner de l’efficacité et la fluidité du droit des contrats anglo-saxon quant à la formation des contrats et la résolution des litiges. Cet aspect devant permettre de faciliter le commerce et de rendre le droit français plus attrayant pour les investisseurs.
La deuxième est la protection des cocontractants. A ce titre, la réforme s‘est aussi penchée sur les contrats d’adhésion pour sanctionner les clauses abusives dans lesquelles une puissance économique trop importante s’exprime au détriment de la partie, dite faible aux contrats, qui adhère à celui-ci sans grande possibilité de choix. Dans le même esprit, elle souhaite protéger l’état de dépendance d’une des parties au contrat.
I – Codification de la jurisprudence et de la pratique
Les obligations pré-contractuelles :
La première étape dans la formation d’un contrat est la négociation. Cette période précontractuelle a fait l’objet de nombreuses jurisprudence dont trois principes majeures viennent d’être codifier.
Il n’existe pas de formalisme quant aux négociations précontractuelles. Cependant, face aux nombreux abus le législateur vient codifier l’obligation de bonne foi à l’article 1112 du code civil. Cependant, il ne s’agit pas de punir le cocontractant de mauvaise foi, mais de l’empêcher de se soustraire à ses obligations. La faute d’une partie dans les négociations n’entraine pas la compensation pour l’autre partie de »la perte des avantages attendus du contrat non conclu ».
Le législateur consacre aussi l’obligation d’information à l’article 1112-1 du code civil. Cette obligation ne porte que sur les informations importantes, déterminantes pour le consentement de l’autre partie et en lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Cette obligation ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation. La charge de la preuve incombe à la partie qui prétend qu’une information lui était due. Et le manquement à ce devoir peut entrainer la responsabilité de la partie fautive et l’annulation du contrat.
Enfin le législateur, à l’article 1112-2 du code civil, pose l’obligation de confidentialité concernant les informations confidentielles obtenues à l’occasion des négociations. Cette obligation est très présente dans les contrats sous la forme d’une clause de confidentialité. Désormais elle doit être respectée même en l’absence d’une telle clause, sous peine d’engager sa responsabilité.
Ces notions permettrons à l’avenir , selon le législateur, de mieux protéger les cocontractants lors de négociations.
Le silence ne vaut pas acceptation :
Après la période de négociation viennent l’offre et l’acceptation. Le silence ne vaut pas acceptation sauf quatre exceptions : la loi, les usages, les relations d’affaires ou des circonstances particulières.
La loi précise expressément dans certains cas que le silence vaut acceptation.
Les usages règles généralement les comportement au sein d’une même profession.
Les relations d’affaires se remarquent dans les comportements entre partenaires, collaborateurs etc.. Les circonstances particulières sont des situations ou une partie ne peut donner son consentement, mais il a été déduit de fait.
Le silence d’une personne quand à la contraction d’une obligation ne vaut donc pas acceptation.
On remarque cependant, la multitude d’exceptions légales et pratiques auxquels viennent s’ajouter la liberté d’interprétation du juge. En effet, la cour de cassation a consacré l’acceptation de fait d’un contrat par une personne en danger dans l’impossibilité de donner son accord, avec la personne qui lui a porté secours.
L’inexécution due à un cas de force majeure ;
La force majeure était envisagée dès la création du code civil mais n’a jamais été définie par la loi. Désormais, le législateur définit la force majeure en indiquant « l’événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées ». C’est donc l’article 1218 du Code civil nouveau qui définit celle-ci de façon précise.
On retrouve, bien entendu, les critères développés par la jurisprudence jusqu’à présent, à savoir les critères d‘imprévisibilité et irrésistibilité.
On notera que le critère de l’extériorité de l’événement par rapport au débiteur n’apparaît plus alors que pourtant une partie de la jurisprudence, jusqu’à présent, continuait de retenir ce critère comme un des critères de la force majeure.
La réforme du droit des contrats en supprimant ce critère accomplit donc une réelle modification dont les professionnels, avocats et magistrats, devront tenir compte dans le traitement de leurs dossiers relatifs aux conflits contractuels.
L’article 1218 nouveau du Code civil distingue les effets de la force majeure selon que l’empêchement d’exécuter qui en découle est temporaire ou pas.
En effet, si l’empêchement d’exécuter est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en découle ne justifie la résolution du contrat.
En revanche, si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations réciproques.
Il est important de noter que le cocontractant défaillant n’est pas pour autant libéré, s’il a accepté de se charger de l’impossibilité d’exécuter, ou s’il a été mis en demeure de s’exécuter avant que ne surviennent les possibilités et cela est prévu à l’article 1351 et 1351–un du Code civil.
Engagements perpétuels :
Il n’existait pas en droit francais de texte qui interdisait les engagements perpétuels. Seul la cour de cassation dans sa jurisprudence les a prohibés. Désormais cette interdiction générale se retrouve dans le code civil à l’article 1211. Cette inscription au code civil ne modifie pas la jurisprudence en ce qu’elle ne donne pas de réelle définition.
Un engagement perpétuel n’est pas forcément sans fin, mais il désigne une durée plus longue que la durée de vie du cocontractant. L’objectif est de ne pas porter atteinte de facon excessive à la liberté individuelle. Cette interdiction est générale et son non respect, entrainera désormais la requalification de l’engagement par le juge en un engagement à durée indéterminée. Les cocontractants disposeront alors, à nouveau, de la faculté de résiliation unilatérale.
Nullité absolue / nullité relative :
L’article 1179 et suivants du code civil posent désormais la distinction légale entre nullité absolue et nullité relative. Si un contrat viole une règle de sauvegarde d’un d’intérêt général, alors la nullité du contrat est absolue. En revanche si le contrat viole une règle de sauvegarde d’un d’intérêt privé alors elle est relative. Cette distinction entre les deux nullités permet simplement de distinguer les personnes qui peuvent se prévaloir de la nullité du contrat. La nullité absolue peut être invoquée par tout personne justifiant d’un intérêt, mais la nullité relative ne peut être invoquée que par celui que la loi entend protéger.
II –Les Sanctions et la pratique
Sanctions pour inexécution :
Un des points de la réforme du droit des contrats, qui nous semble important, est celui des sanctions applicables en cas d’inexécution par une des parties au contrat de sa prestation.
La réforme du droit des contrats regroupe dans une section unique les règles en matière d’inexécution contractuelle ce qui simplifiera la tâche du justiciable et bien entendu du professionnel avocat ainsi que du juge en charge traiter les cas d’inexécution contractuelle.
Pour faire simple, c’est le nouvel article 1217 du Code civil qui prévoit les différentes sanctions en cas d’inexécution.
Ainsi, la partie liée par un contrat et qui démontre que l’engagement de son cocontractant n’a pas été exécuté ou l’a été réellement imparfaitement, peut désormais refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation contractuelle.
Elle peut également poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation, elle peut solliciter la réduction du prix, voire provoquer la résolution du contrat et demander réparation des conséquences juridiques et donc financières qui en découlent.
La pratique et l’étude de la jurisprudence qui va en résulter nous éclairera sur l’effectivité de cette réforme…
Exécution forcée en nature :
On considère que le créancier peut dans un premier temps adresser une mise en demeure par lettre recommandé avec accusé de réception de poursuivre l’exécution en nature de la prestation contractuelle, sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût et l’intérêt du créancier.
Il a également le choix de faire exécuter lui-même l’obligation qui incombait à son cocontractant, toujours après avoir adressé une mise en demeure en courrier recommandé avec accusé de réception, dans un délai et pour un coût raisonnable tel que le définit l’article 1222 du code civil.
En instaurant ce nouvel article 1221 du Code civil le législateur a donc souhaité souligner l’équilibre économique et donc contractuel qui doit prédominer aux relations entre les parties.
Jusqu’à présent, il fallait absolument obtenir une autorisation judiciaire pour obliger l’exécution forcée en nature de l’obligation contractuelle du cocontractant. Désormais, et dans un but de simplification, chaque cocontractant pourra le faire sans recourir au juge. En revanche, l’intervention du juge est conservée lorsqu’il s’agit d’obtenir la destruction de ce qui a été réalisé en violation manifeste d’une obligation pour que le débiteur de cette obligation avance les frais de destruction.
Réduction du prix :
Après l’envoie d’une mise en demeure en terre recommandée avec accusé de réception, le créancier peut accepter l’inexécution imparfaite du contrat, mais solliciter une réduction proportionnelle du prix. Le créancier qui n’a pas encore payé notifie l’autre cocontractant sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais tels que cela est défini à l’article 1223 du code civil.
Il s’agit d’une forme de sanction intermédiaire entre l’exception pure d’inexécution et la résolution contractuelle. Cette sanction permet de procéder à une révision du contrat à hauteur de ce qui a été réellement exécuté à la place de ce qui était initialement prévu dans les relations contractuelles des parties.
Cet élément pourra éviter dans certains cas une procédure et permettre de terminer un contrat avant son terme.
La réforme fait de cette possibilité de réduction du prix un élément de portée générale et offre ainsi aux créanciers contractuels un recours contre un débiteur fautif sans préalablement saisir le juge.
Il est à noter que le créancier de l’exécution d’une obligation et son débiteur pourront être en désaccord sur le caractère imparfait de la prestation ou sur l’évaluation de la prestation déjà accomplie. Dans ces deux cas, comme dans d’autres, il appartiendra au juge de trancher le litige comme il le faisait avant la réforme.
Nouveau régime de la résolution :
La réforme du code civil efface la distinction existante entre la résolution et la résiliation.
Toute deux mettent fin au contrat, désormais, la résolution n’est pas forcément rétroactive et son régime se rapproche de celui de la résiliation.
Il existe trois possibilité de résoudre le contrat. L’application d’une clause résolutoire, dont la simple inexécution entrainera la résolution du contrat. La notification avec mise en demeure préalabe, ou une décision de justice. Les deux dernières possibilités exigent toutefois d’être en présence d’une inexécution suffisamment grave.
Une personne pourra mettre fin unilatéralement au contrat si l’inexécution de son cocontractant est suffisamment grave alors qu’auparavant l’intervention du juge était nécessaire.
Mais qu’est une inexécution suffisamment grave ?
Le principe de rétroactivité systématique de la résolution est abandonné. La résolution judiciaire ressemble donc à présent à une résiliation.
Il est à noter que l’effet de la résolution, la restitution des prestations échangées n’intervient que si l’utilité de ces prestations implique une exécution complète du contrat. Par exemple un contrat de vente. En revanche, si les prestations échangées ont trouvés leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat alors, il n’y a pas lieu à restitution de ces dernières, on parle bien dans ce cas de résiliation.
L’imprévision :
La jurisprudence a toujours refusé de réviser le contrat en cas d’imprévision au nom du principe d’intangibilité des conventions. Le nouvel article 1195 du code civil prévoit désormais le contraire. L’imprévision peut entrainer la révision du contrat. Pour cela il faut un changement de circonstance imprévisible qui rend l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque.
Dans une telle situation, tout en continuant d’exécuter ses obligations, la partie qui souhaite la révision du contrat peut demander une renégociation de celui-ci à son cocontractant. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution amiable du contrat ou demander d’un commun accord au juge de l’adapter aux nouvelles circonstances. En dernier lieu le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. Le juge dispose alors de pouvoir importants dont l’utilisation sont laissé à sa libre appréciation.
Le législateur pousse les parties à trouver une solution amiable, dans l’esprit du nouveau droit des contrats. D’ailleurs, l’incertitude quant à l’étendue des pouvoirs du juge en cas de procédure judiciaire peut être lourde de conséquence pour les requérants.
Il est peut être préférable d’attendre l’encadrement de ces pouvoirs par la jurisprudence.
Action interrogatoire :
L’article 1183 du code civil prévoit désormais une action interrogatoire. Elle vous permet désormais de sommer par (LRAR) la personne capable de soulever la nullité relative d’un contrat d’agir en nullité dans un délai de 6 mois à peine de forclusion ou de confirmer le contrat.
Contrat par voie électronique :
Le législateur affirme que la voie électronique peut être utilisée pour conclure un contrat ou simplement communiquer des informations sur ce dernier. L’utilisation de courrier électronique peut s’effectuer en vue de la conclusion du contrat, ou au cours de son exécution. L’acte de transmettre son adresse email, suppose l’accord préalable du destinataire de l’utilisation de la voie électronique.
L’écrit électronique peut suffire à la validité d’un contrat sous seing privé. L’acte authentique peut désormais être dressé sur support électronique, mais il faudra encore l’apposition de mentions manuscrites par un officier public lorsque la loi le prévoit.
Le contrat peut naître par voie électronique et peut être résilié par le même moyen. Une lettre recommandée électronique permet désormais, de notifier la résiliation d’un contrat.
Un mail peut contenir une information essentielle au contrat. Les mails ont donc une valeur importante et doivent donc être conservés.
Droit de la consommation :
La loi de la réforme droit des contrats s’est aussi penchée sur les contrats d’adhésion pour sanctionner les clauses abusives. De tels contrats dans lesquels une puissance économique trop importante s’exprime au détriment de la partie, dite faible aux contrats, qui adhère à celui-ci sans grande possibilité de choix.
Dans le même esprit, la loi de la réforme du droit des contrats souhaite protéger l’état de dépendance d’une des parties au contrat.
Ainsi, le rédacteur de contrats, devra se pencher attentivement sur les élément pré-contractuels et prévenir son client des modalités les plus appropriées pour rédiger le contrat.
En effet, la phase préalable et les clauses contractuelles vont revêtir de plus en plus d’importance notamment au niveau de l’équilibre contractuel mais aussi quand à l’organisation d’une sortie possible en cours de contrat qui peut se dérouler, désormais, sans l’intervention du juge.
Ainsi, il n’est pas inutile de réfléchir à la possible division des contrats en différentes phases qui pourrait permettre , dans certains cas, d’en sortir plus facilement en cas de difficulté.
C’est dire que l’intervention d’un avocat dans la phase pré-contractuelle revêt désormais une importance particulière pour les parties qui souhaiteront sécuriser leur contrat et donc leurs relations commerciales.
Article d’information juridique, mais chaque cas est particulier et peut nécessiter l’avis d’un Avocat avec tous les documents pour une analyse précise.
A jour au 15 octobre 2017 www.avocat-bernardi.fr